Civ 1ère, 16 décembre 2020 (19-19.387) – publicité d’un site de rencontre encourageant l’adultère- mariage publicité site de rencontre adultère

Le devoir de fidélité qui s’impose aux époux, justifie-t-il l’interdiction d’une publicité pour un site de rencontres encourageant l’adultère ?

C’est la question à laquelle a dû répondre la Cour de cassation s’agissant d’une société de droit américain, éditrice d’un site de rencontre « Gleeden« , dont les affiches laissent apparaître divers slogans, et notamment « Le premier site de rencontres extra-conjugales pensées par des femmes » ou encore « être fidèle à deux hommes, c’est être deux fois plus fidèle« .

L’atténuation de la portée du devoir de fidélité des époux 

L’article 212 du code civil prévoit que les époux se doivent mutuellement fidélité, laquelle conserve sa nature d’obligation juridique du mariage.  Cette obligation de fidélité ne s’impose toutefois qu’aux époux, et ne concernent ni les partenaires d’un PACS, ni les concubins.

Sur ce fondement, la jurisprudence avait déjà eu à juger de la validité de conventions par lesquels les époux s’accordaient contractuellement une « liberté mutuelle » ou prévoyait une clause d’infidélité. La Haute Juridiction juge que de telles conventions conclues entre les époux sont nulles comme étant contraires à l’ordre public. L’adultère constitue en effet une violation du devoir de fidélité, dont les époux ne peuvent se défaire.

Et il sera utilement rappelé que l’adultère est même en l’absence de relation physique, et le fait pour une personne de fréquenter des sites de rencontre, d’y échanger des messages et des photographies intimes, constitue une telle violation du devoir de fidélité (Civ 1ère, 30 avril 2014, 13-16.649).

Néanmoins, l’infidélité n’est plus une cause péremptoire, automatique du divorce, depuis la loi du 11 juillet 1965. Depuis cette loi, elle n’est plus non plus un délit pénal.

Elle ne consiste plus qu’en une faute civile, que le juge doit en outre apprécier au regard des circonstances, pouvant l’écarter ou l’excuser.

Qui plus est, elle considère aujourd’hui que « l’évolution des moeurs comme celle des conceptions morales ne permet plus de considérer que l’infidélité conjugale serait contraire à la représentation commune de la morale dans la société contemporaine » (Civ 1ère, 17 décembre 2015, 14-29.549).

L’absence d’interdiction d’une publicité incitant à méconnaître le devoir de fidélité des époux 

Dès lors que le devoir de fidélité demeure encore aujourd’hui, une obligation qui s’impose aux époux selon l’article 212 du Code civil, la question se posait de la responsabilité d’un tiers qui inciterait, par le biais d’une publicité, à méconnaître une telle obligation.

La question n’est pas dénuée d’intérêt juridique, dès lors que l’article 1200 du Code civil précise que « les tiers doivent respecter la situation juridique créée par le contrat », dont fait partie le contrat de mariage.

Toutefois, la Cour de cassation répond par la négative, et considère qu’une publicité ne peut être légalement interdite sur la base de devoirs existant entre époux (et a fortiori entre les seuls époux), et notamment du devoir de fidélité, en proposant des rencontres extra-conjugales à des fins commerciales, et ce d’autant plus que ce devoir de fidélité entre époux fait lui-même l’objet d’une appréciation jurisprudentielle désormais très souple.

Elle sort par ailleurs du seul cadre de l’obligation de fidélité des époux pour relever que la publicité ne présentait aucune photographique, ni de messages qui soit considérée comme indécents, de sorte que l’interdiction des affichages porterait une atteinte disproportionnée au droit à la liberté d’expression de l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme.

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